Les enjeux internationaux, émission de radio que je recommande (j’ai eu la chance d’avoir Thierry Garcin comme professeur à Sciences Po Paris en 2002-2003) et que j’écoute depuis 2001, étaient consacrés aujourd’hui lundi 1er février 2010 à l’affaire Google versus Chine.
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Malheureusement l’invité de Thierry Garcin était l’expert en tout et spécialiste en rien Philippe Moreau Defarges qui, vu son âge, ne doit pas connaitre grand chose d’Internet. Il aurait été plus intéressant d’inviter un vrai spécialiste d’Internet.
Et l’émission est passée à côté de faits importants :
– voici le lien vers le billet rédigé par le Chief Legal Officer de Google où a originellement été postée l’information de la fin de la censure des résultats sur www.google.cn et de la menace de Google de se retirer de Chine
– les piratages ont sûrement été le fait d’informaticiens de l’Armée Populaire de Libération (APL/PLA) ou d’agences gouvernementales chinoises (je pense que Google a des preuves de cela mais ne le met pas en avant pour ne pas envenimer les choses inutilement)
Réflexion d’un ami qui connait bien la Chine :
Google ne voulait pas se retrouver dans une situation à devoir balancer des dissidents chinois sur ordre du gouvernement (quoique je crois que l’Armée de Libération n’a pas besoin des fichiers de Google pour choper les types)
– même s’il est évoqué dans l’émission de radio que Baïdu, le concurrent de Google, a 55 à 60 % de parts de marché, ne sont pas données les raisons de ce succès par Thierry Garcin ou son invité. Les voici :
- si Baidu permet un accès personnalisé avec login qui permet d’enregistrer les recherches d’un même utilisateur sur plusieurs machines
- si Baidu comme Google permet à ces utilisateurs de « supprimer » des résultats de recherche
- si Baidu comme Google tient compte à la marge des clics des internautes pour modifier ses résultats.
- Google map n’a de photos satellite que pour les très grandes villes et je ne sais pas s’il y a des plans
- il doit y avoir de meilleurs services email indépendants que Gmail en Chine à l’image de mail.ru en Russie
. sauf sur les sujets censurés (répression de la place Tian’anmen, droits de l’homme…) sur lesquels Baidu n’offre aucun résultat, Baidu offre én général de meilleurs résultats que Google.cn (ce résultat est le fruit de l’expérience d’un ami qui a passé 2 ans en Chine)
. Le succès de Baidu ne s’explique pas par son nombre d’utilisateurs plus élevé que celui de Google.cn avec 3 nuances :
. Comme l’algorithme de Baidu a été développé pour des caractères non-latins (les idéogrammes chinois), il est peut-être meilleur que celui de Google et plus adapté à la langue.
Plus proche de nous il est intéressant de noter qu’en Russie http://www.yandex.ru/ a 75 % des parts de marché, peut-être pour les mêmes raisons que Baidu : algorithme plus adapté aux caractères et à la langue.
Par contre, mystérieusement, Google et Yahoo dominent le marché japonais à l’inverse des théories ci-dessus.
Et je n’ai pas de chiffres sur la Corée mais il doit y exister des moteurs locaux.
. Baidu référence mieux les fichiers .mp3 et donc les Chinois utilisent Baidu pour faire du direct download illégal alors que Google;cn respecte mieux le droit d’auteur (ou il faut ruser en utilisant le filtre filetype:mp3, ce que la plupart des internautes chinois doit ignorer)
. Google.cn indexe le chinois « moderne » et le chinois mandarin plus utilisé à Taïwan, ce qui donne plus de résultats mais moins de résultats pertinents (les Chinois doivent préférer avoir les résultats dans une seule « langue »); ce constat est général : Google a un plus gros index mais un moins bon « tri ».
. Google ne propose pas autant de services annexes sur google.cn que sur google.com ou .fr :
. Baidu est aussi un moteur de forum et les Chinois, d’après ce que j’ai lu, préfèrent les forums anonymes aux « Yahoo Answers » publics.
. dernière raison parfois évoquée : Baidu est chinois alors que Google est vu comme étranger et les chinois patriotes préfèrent « surfer » chinois (les jeunes préférants « surfer américain » sont moins nombreux).
– sans rentrer dans ces détails techniques un autre invité aurait pu
. soit expliquer la position de Google (en rappelant que les parents de Sergueï Brin ont fuit la dictature soviétique sous l’ère Brejnev, d’où sa position face à une autre dictature),
. soit expliquer celle de la Chine.
Une réflexion sur « Un non spécialiste sur France Culture pour parler de l’affaire Google vs Chine »